29 janvier 2007

Le ligneur de l'ile de Sein



Silence radio pendant deux jours, mais j’ai la chance, à travers l’animation de réunions, de faire un tour de France, et je ne boude pas mon plaisir de ces voyages en train, à chaque fois dans une ville différente. Avant-hier La Baule, hier matin Étretat, et toujours la mer. Combien de peintres amateurs se sont fait « les pinceaux » sur ces falaises percées, dans les pas de Corot, Manet, Monet ou Courbet ? Le vent du nord fait blanchir la surface de l’eau et l’écume recouvre les fameux galets. Je ne me lasse pas de ce spectacle. Au sommet de la falaise, une étrange flèche d’acier pointe vers l’étoile du berger. Elle symbolise le départ de Nungesser et Coli pour un vol vers l’Amérique, qu’ils n’atteindront jamais. C’était le 8 mai 1927. À l’office de tourisme, je relis leur histoire, tombant sur un article de La Presse du 9 mai 1927 « Nungesser et Coli ont réussi, Les émouvantes étapes du Grand Raid : à 5 heures, arrivée à New York » . Déjà la course au scoop et la volonté d’annoncer les nouvelles en premier, même des imbécillités. Si vous vous le rappelez, c’est quelques jours plus tard, le 21 mai, que Lindberg réussira sa traversée, mais dans l’autre sens. Je n’ai découvert que l’année dernière Vol de nuit de Saint-Exupéry et je crois qu’il est difficile de mesurer l’enthousiasme et le courage de tous ces pionniers. Mais, je reviens à l’élément liquide que je connais mieux et à la demande générale de deux lecteurs amusés par ma nuit à Rungis, je vous ressers un peu de poisson, avant que le plat ne refroidisse. C’était l’été dernier, une occasion comme il ne s’en présente jamais, celle de partir pêcher trois jours avec un aristocrate de la mer, le dernier ligneur de l’ïle de Sein. On a parlé d’Édouard Michelin, disparu quelques jours auparavant au large d’Armen , au milieu des rochers du plateau de Sein. Par temps calme, nous avons traversé cet enfer de cailloux puis filé plein sud. François Spinec, le patron s’est arrêté au milieu de nulle part. Par 50 mètres de fond, nous avons descendu nos leurres ; le poisson était là, bar, lieu jaune et parfois la surprise d’un beau Saint-Pierre ou d’une julienne. On ne chôme pas à bord, car il faut préserver toute cette marchandise fragile, et ces poissons de ligne sont devenus très précieux. Je n’en rends compte deux jours plus tard quand nous le livrons à la criée d’Audierne. 29 € le kg de bar quand il fait plus de 3 kg. Qui peut s’offrir ça ? Et surtout, la ressource va-t-elle durer. J’ai soudain l’étrange sensation d’une fuite en avant ; il arrivera ce qu’il doit arriver et tant pis pour les générations suivantes ! En attendant il faut payer les traites de la télé dernier modèle et du bateau encore un peu plus performant. Dans son île de Sein, François ne semble pas pris dans ce cycle infernal, sûrement alimenté par les banques locales. Mais combien sont-ils à résister à toutes les sirènes de la surconsommation et du suréquipement ? J’ai une vraie passion pour la pêche au bar, la traque de ce magnifique poisson, chasseur lui-même et grand prédateur de sardines, de crevettes et de crabe mou. Arnaud, mon vieux copain grand photographe-reporter est devenu guide et patron de pêche. Il vit à Belle île et me prend souvent à son bord. Il connaît le bar et son environnement comme personne. Et les sorties en mer dans les eaux blanches de la côte sauvage, où nous sommes les jouets de la houle qui se brise sur les falaises, sont parmi les moments de nature les plus intenses que je connaisse. Le poisson est souvent au rendez-vous ; nous le gardons dans un aquarium aménagé dans le coffre avant du bateau. En fin de journée, nous le relâchons. Tenir un poisson de 3 kg par le ventre, le plonger dans l’eau et le voir s’éloigner d’un coup de queue reconnaissant est une émotion que je vous souhaite ! C’est le début du respect et la mort du beurre blanc ! Je ne peux pas vous conseiller de lecture sur le sujet : je n’ai pas encore fini d’écrire mon livre sur « Les sept plaisirs de la pêche au bar ».
À demain.
Photo : banc de sardines en surface au large de Belle-île ; étonnant, non ? Et le fameux vivier.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Beau texte. Pour avoir eu la chance de filer en mer avec Fanch, pour avoir eu la chance de croiser trop brièvement Arnaud sur l'île, j'y retrouve cette réalité précieuse et si discrète...
Si tu croises Arnaud, donne lui un grand bonjour amical de Didier en Suisse. S'il ne se souvient plus rappelle lui que je les (Fanch-Arnaud) avais abordé micro en main lors de leur accostage, là où Fanch à sa cabane sur le quai Sud. Ce jour-là, en octobre dernier, Arnaud m'a sérieusement regardé de travers.
Didier
di.schmutz@bluewin.ch