05 février 2010

Commencer comme ça

à chaque pas le premier pas, même si tu tombes
tu te relèves, soleil, pluie, cliquetis des doigts
sur un clavier et le livre abandonné, repris
qu'y cherches-tu que jamais tu ne pourras trouver
que tu trouveras tout de même mais sans savoir
et toute une vie à ce jeu, perdue ou gagnée
perdue et gagnée, avec chaque jour l'espoir
d'en arrêter le jour, ce vertige sans issue
où en aveugle une fois de plus tu recommences

Jacques Ancet, L'identité obscure




Il faut bien commencer, mettre un mot devant l'autre, comme on marche, avancer dans le clair du jour sans forcément savoir où l'on va, puisqu'il faut que le monde commence quelque part, dans une ville ou dans un livre, on ne cherche tant peut-être que parce qu'il n'y a rien à trouver, on ne retourne pas à l'origine dans ce mouvement désuet de nostalgie, on avance au hasard comme plongé dans le noir d'une pièce qui ne nous est pas si étrangère, simplement différente et changeante à chaque instant, je ne suis pas moi seulement, qui suis-je encore, ou quoi ? un mot une phrase ainsi que tout commence, un pas devant l'autre, avancer vers soi sans savoir qui nous sommes, sans savoir même qui est là, on se demande parfois si l'on finira par y arriver, si même un but précis nous incite à continuer ainsi, je regarde, je ne vois rien que quelques signes vagues, avancer, faire de cet instant là, les premiers pas, les premiers mots, le moteur de la suite, dans les traces duquel s'inscrire, c'est un bon début, il n'y a rien de connu, rien de préexistant, pas d'hypothétique commencement qui recule toujours à mesure qu'on tente de l'atteindre, il faut juste ouvrir les yeux, le monde tourne autour de nous, le monde et sa rumeur incessante vibre en nous, résonne dans nos têtes, dans nos moindres paroles, gestes y compris, être à l'écoute en avançant dans le passage d'un mot, à l'autre, comme le sens, dans le sens de la marche, quelque chose nous appelle, nous interpelle et peut-être nous oblige, quelque chose nous domine et veut là, qui pourtant nous ignore, je suis dans ce que je ne peux pas dire, j'y suis mais je ne le vois pas, pour le voir j'essaye d'oublier, les souvenirs aveuglent, il faut toujours être entre, entrer dans ce mouvement, le temps immobile, raconter, c'est raconter quelque chose, ce n'est pas vouloir dire mais vouloir faire et c'est dans cette intention de faire qui veut ce que l'on dit qu'en nous l'inconnu peut parler, ce que je ne sais pas, ce que je devine, ce que j'invente, ce que j'avance, dans l'oubli de chaque pas, l'éblouissement des mots, ce sera donc ici.



Texte écrit par Pierre Ménard, que nous accueillons dans le cadre d'une résidence d'écrivain de la Région Île-de-France, et qui nous présente son texte : Commencer comme ça dans le cadre du projet de vases communicants : Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d'un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.



1 commentaire:

Brigetoun a dit…

les mots progressent avec les heurts et la persévérance de la nécessité d'écrire - belllo